L’affaire du « 144FO »

2022 a été l’année ou SCANI a finalisé le déploiement de son propre réseau fibre dans et autour de Joigny. Pour rappel, ce déploiement s’inscrit dans le cadre du projet Racine qui, si le coeur vous en dit, est encore à la recherche de participations financières.

Le projet consiste à installer des câbles dans les sous-sols et sur les poteaux déjà disponibles afin de :

Plan non contractuel mais pas très éloigné de la réalité
  • Raccorder les 14 armoires fibres optique du réseau BFCFibre qui dessert une bonne partie des habitants de Joigny, Chamvres, Paroy, Grand Longueron et Champlay
  • Raccorder directement quelques membres de la coopérative (essentiellement des entreprises et bâtiments de collectivités)
  • Raccorder des points stratégiques du réseau déjà existant de la coopérative afin d’améliorer les débits de la radio et du wifi public

Le principe de ce réseau est relativement simple : un câble fibre optique est constitué de tubes contenant généralement 6 ou 12 fibres chacun.

Nous avons choisi un principe simple : une armoire = un tube de 6 et un bâtiment = une fibre unique sur un tube de 6. Sur la photo ci-contre on trouve 4 tubes de 6 fibres chacun.

Au cœur du réseau, on se retrouve donc avec de nombreux tubes, ce qui a mené, sur un tronçon, à installer un câble de 24 tubes. Si vous avez bien compté, cela correspond donc à 144 fibres.

Pour installer un câble dans les infrastructures existantes, c’est relativement simple (on simplifie un peu, les puristes du GCBLO nous excuseront) :

  • On déclare auprès du propriétaire de ces infrastructures (ici,Orange), qu’on veut relier le point A avec le point B
  • Il dit « ok, fais toi plaisir »
  • On prends son petit ballot de ficelle bleue, le plan du réseau de tuyaux (on parle de fourreaux), chambres et poteaux, les outils de levage, de protection, de signalisation, de pompage et notre plus belle garde robe et on passe la ficelle tout le long du trajet pour vérifier que « ça passe »* On se sert de la ficelle pour tirer le vrai câble (parfois avec un intermédiaire quand la ficelle est trop fragile et le câble trop gros)
  • On fixe le câble comme il faut partout ou il faut et on lui met de petites étiquettes pour l’identifier
  • On prends tout ça en photo et on renvoi un joli tableau excel (ne riez pas) qui résume tout ce qu’on a fait au propriétaire de l’infrastructure qui calcule combien on va lui devoir chaque mois pour squatter son chez lui
  • On soude les deux côtés comme on le souhaite
  • On met de la lumière dans les fibres

Évidemment, tout ça ne se fait pas le même jour et une fois le câble installé on ne s’en sert généralement pas immédiatement. Dans le cas présent, il s’est passé quelques semaines (5) entre le gros de la pose du câble et l’allumage de la lumière.

Et là … C’est le drame ! (à lire de préférence avec un fond musical angoissant)

La lumière qu’on envoyait d’un côté n’arrivait pas de l’autre côté. Sur aucune des 144 fibres du câble. Pas besoin d’être devin, le câble est coupé quelque part. Comme cette section du réseau est globalement assez courte (moins d’un kilomètre) et que nous étions équipés en mode BTP, on est allé voir directement dans les chambres plutôt que d’essayer de déterminer la longueur de câble avant la coupure.

10 minutes plus tard, nous étions à peu près au milieu de la section concernée, dans une chambre plafonnée, et force est de constater que notre câble … n’est pas là. Donc non seulement, il a été coupé, mais en prime, il en manque un morceau.

On fait donc deux équipes : en partant de cette chambre, chaque équipe part dans un sens à la recherche des chambres ou on trouvera notre bout de câble coupé.C’est rapide et facile : tous les câbles ayant des étiquette, on ouvre une chambre, on regarde tous les câbles de gros diamètre, on vérifie les étiquettes et on fini par trouver.

Il manque 450 mètres de notre câble et il a été coupé fort proprement à raz des fourreaux de chaque côté.

On note aussi qu’un autre câble a été posé entre temps, un 288 fibres appartenant au réseau en cours de déploiement par le département, peu ou prou sur le même trajet que le nôtre (en tout cas dans la partie coupée).

Que s’est-il passé ?

Deux familles d’hypothèses : Le vol/vandalisme volontaire ou la bêtise fortuite.

Premier scénario : un crétin a ouvert 6 ou 7 chambres (dont deux plafonnées, en gros, l’équivalent d’un appartement d’étudiant parisien sous le trottoir, qui nécessitent un outillage assez imposant et qu’on ne trouve pas chez bricomarché), décroché notre câble, l’a coupé aux deux bouts, l’a sorti de là en tirant dessus comme un dingue (on parle d’une section de quasiment un demi kilomètre, soit un bon 70 ou 80kg de câble au bas mot) et s’est barré avec. Le tout en pleine rue sur un axe relativement important d’une ville de 10000 habitants.

Ça n’a aucune vraisemblance que ce soit du vandalisme ou du vol, d’une part parce que tant qu’à se faire chier en faisant ça, autant couper du câble cuivre, ça a une valeur marchande bien plus élevée, et l’hypothèse d’un vandalisme ciblant particulièrement SCANI ne tient pas non plus la route puisque nous avions, sur une partie de ce trajet, un autre câble clairement étiqueté qui lui n’a pas bougé et que ça n’avait aucun sens de sortir le morceau coupé.

Comme on connaît bien la théorie du rasoir de Hanlon, on a tendance à ne pas attribuer à la malveillance ce que la bêtise seule suffit à expliquer, et on est donc persuadé que ce câble partiellement disparu a juste été coupé par un gars qui pensait bien faire.

Par exemple, quelqu’un qui s’imaginait que seul le département était entrain d’installer de la fibre dans Joigny à ce moment là et que donc, ce câble 144 fibre qui était là, avec des étiquettes blanches comme celle du département, c’était une bourde d’un de ses collègues puisque sur son plan c’était écrit qu’il fallait installer un 288 fibre, et qu’il a donc tout bêtement coupé notre câble pour s’en servir pour tirer le sien et s’est arrêté quand il s’est rendu compte de la bêtise.

Et donc, vous avez fait quoi ?

Bien évidemment, SCANI est allé déposer une plainte auprès de la Gendarmerie. Grand moment de solitude quand la personne qui nous a reçu a tenté de qualifier l’objet de la plainte .. Elle a finalement décidé que nous venions nous plaindre d’un vol de câble … plainte qui a été classée sans suite, faute de pouvoir « identifier l’auteur du vol », malgré nos explications détaillées …

On sait qu’il y avait de nombreux sous-traitants intervenant sur le réseau dans Joigny à cette époque là … mais un peu de recherche et un tirage d’oreille auraient été bienvenus.

Non pas que ce bout de câble ait une grande valeur financière (tout de même pas loin de 2000 € de matériel à racheter et 2 jours de boulot à plusieurs pour réparer), mais on aurait surtout aimé que les « coupables » soient au moins au courant qu’ils avaient fait une bourde afin d’éviter que ça ne se reproduise ailleurs.

On vous parlera peut être prochainement de l’infâme bordel qu’on trouve dans ces fameuses chambres. C’est parfois pire que celle d’un ado de 16 ans 🙂

Commentaire (3)

  • Denis| 22 mai 2023

    Y’a rien qui va dans cette histoire…
    * Le type qui prend des initiatives en décidant qu’un câble en passage est « une bourde ». L’étiquette n’indique pas le proprio du câble ?
    * La ficelle pas remise suite à votre intervention (j’imagine sinon il n’a aucun intérêt à tirer sur un 144FO plutôt que sur une ficelle).

    Mais c’est la routine pour les petits opérateurs qui font de la BLO 🙂

    • bruno| 22 mai 2023

      Eh si, les étiquettes indiquent tout … Mais j’imagine que quand on en voit passer toute la journée on n’y fait plus attention. Quant aux ficelles, ça fait bien longtemps que c’est chacun pour sa gueule … entre le moment ou tu fais ton étude et le moment ou tu déploie, si tu laisse passer plus de 10 jours, tu retrouve pas la moitié de tes ficelles … Donc en laisser en même temps qu’on tire « pour le suivant » c’est … non 🙂

  • Christophe| 5 juillet 2023

    C’est un vrai polar le monde souterrain des câbles… bon courage

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