Communication et image de marque des coopératives non-marchandes

Les nouvelles structures entrepreneuriales ne fonctionnent pas de la même manière que les entreprises classiques. C’est, par exemple, le cas des Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC).

Leurs objectifs ne sont pas similaires, leur organisation sociale est différente, leur positionnement dans le « tissu économique » est particulier. Pourtant, à écouter certains promoteurs institutionnels et acteurs professionnels qui les observent, ces structures, malgré leur approche non-marchande, ne devraient pas déroger aux règles du marché et de la promotion qui en découle. La communication d’entreprise et son marketing seraient, des obligations incontournables qu’une coopérative telle SCANI, prise en exemple dans cet article, devraient appliquer, comme le font les entreprises.

Analyse et explications de pourquoi la communication, le marketing et les procédés commerciaux de valorisation de l’image de l’entreprise ne doivent, et ne peuvent pas s’appliquer à une coopérative comme SCANI.

L’intérêt collectif et la coopération

SCANI est une société coopérative d’intérêt collectif : son activité est celle que pourrait développer un service public. La coopérative déploie un réseau de communication et d’accès à Internet haut et très haut débit, majoritairement là où les fournisseurs d’accès classiques ne proposent pas de service comparable.

La coopérative SCANI, projet de l’association Pclight durant 3 ans, a pu se développer grâce à l’effort de ses membres actifs… bénévoles. Les abonnés ne sont pas des clients en tant que tels, puisqu’ils sont adhérents de l’association, et, à terme, coopérateurs associés, donc actionnaires, de la société coopérative.

Les installations ne sont pas effectuées par des salariés, le réseau n’est pas majoritairement maintenu ou développé par des personnes en lien financier avec la structure, et ceux qui sont rémunérés conduisent majoritairement des actions bénévoles.

C’est cette approche d’intérêt collectif, de désintérêt des membres qui a permis le déploiement du réseau sur le département : l’intégralité du chiffre d’affaire produit par les abonnements des adhérents est ré-investie dans le réseau afin de permettre à de nouvelles personnes de pouvoir accéder à Internet en haut ou très haut débit.

Cette activité, professionnelle dans les actes n’est pourtant pas rémunérée dans les faits, et c’est précisément le marqueur de SCANI.

L’adhérent abonné au réseau n’est pas, et ne peut-être, un client. Il n’achète pas un service à un opérateur réseau en tant que tel, mais accepte de participer au développement d’un réseau par son abonnement et ses possibles activités au sein de la structure.

Il lui est demandé d’échanger avec d’autres adhérents pour permettre l’amélioration du réseau, de parler autour de lui des possibilité offertes par la coopérative. Il n’y a ni direction de l’entreprise SCANI, ni commerciaux SCANI, ni employés SCANI, mais uniquement des membres actifs qui déploient et maintiennent le réseau au sein d’une communauté.

La croissance du chiffre d’affaire de la coopérative n’est donc pas un facteur central, ni sa capacité à rayonner géographiquement le plus loin possible, ou l’augmentation exponentielle des points de connexion. Ces éléments ne sont pas écartés, mais sont soumis à des arbitrages — le plus souvent — opérationnels : la bonne marche de la coopérative est soumise à la bonne volonté de ses membres, particulièrement les actifs bénévoles.

Établir une stratégie de développement du réseau, ou du chiffre d’affaire d’une structure qui ne repose sur aucune subordination formelle de ses acteurs, n’est pas envisageable.

Communication, image de marque, marketing et procédés commerciaux

La communication d’entreprise répond à des règles et des standards bien établis. C’est l’image de marque de l’entreprise qui découle de la « qualité de la communication » faite autour de celle-ci. Communiquer, pour une entreprise est le moyen de mettre en valeur le produit ou le service vendu.

Convaincre de la qualité, de la performance, de l’efficacité de l’entreprise, de ce qu’elle vend par la façon dont on en parle, sont les objectifs premiers de cette communication, avec pour horizon, sa croissance en termes de parts de marchés et de chiffre d’affaire-bénéfices. Le marketing est une opération stratégique ayant pour but d’inscrire le plus profondément possible dans un secteur d’activité, là où les marques des produits de la dite entreprise. La publicité, faite de repères graphiques ou sonores, est l’une des branches du marketing.

A l’inverse, une société coopérative comme SCANI compte sur ses actions et réalisations pour se faire connaître, idéalement de proche en proche par le simple discours de ses membres.

Informer n’est pas un gros mot

Vouloir faire connaître l’activité d’une coopérative d’intérêt collectif comme SCANI est tout à fait nécessaire et justifié : la population du département de l’Yonne, particulièrement touchée par le « désert numérique des zones grises Internet » a besoin de connaître cette alternative aux seules solutions bas débit ADSL que les opérateurs nationaux proposent.

Les personnes habitants en dehors de l’Yonne peuvent être intéressée par l’initiative pour la reproduire chez eux, c’est l’un des buts de SCANI : documenter et aider toute personne souhaitant résorber les fractures numériques, partout dans le monde.

Pour autant, informer au sujet de SCANI n’est pas la même chose que communiquer au sujet de SCANI. Vouloir affirmer l’image de marque de la coopérative n’a pas de sens dans le cadre qui est le sien.

Informer n’est pas un gros mot, et communiquer n’est pas forcément la panacée, surtout quand il n’y a pas d’enjeu commercial. Les technologies d’information et de communication (TIC) que met en place SCANI comportent deux mots importants : information et communication. Le premier est central, puisqu’il est l’origine de la technologie et le deuxième, le moyen d’y parvenir. Un réseau comme Internet a pour but de faire transiter de l’information (le contenu) à l’aide de matériels de communication (les contenants). Les technologies sont celles de la communication. Elles font transiter de l’information.

La communication est un outil, et peut faire passer n’importe quelle information. Le but de la communication d’entreprise est donc d’optimiser la capacité à convaincre des clients de l’intérêt pour eux d’acheter des services ou des produits vendus. Ce n’est pas la « véracité » de l’information qui compte, mais comment l’information peut arriver à séduire, inciter au désir, aider à mieux envisager les produits ou l’entreprise qui les promeut. Dans ce cadre, le logo de l’entreprise est très important, puisqu’il représente ce que l’entreprise veut symboliser. Mais un logo n’est pas une information en soi. Il est une représentation graphique d’une idée. Un outil de communication. Un objet promotionnel. Commercial.

Appliquer les règles de communication à SCANI ?

SCANI se fait connaître, et cherche à faire comprendre au mieux sa démarche et son activité. La coopérative d’intérêt collectif n’est pas une structure commerciale dont la survie dépend de la qualité de son image ou de sa capacité à accroître ses ventes.

Il n’y a pas de masse salariale colossale, ni budgets publicités ou marketing à gérer, puisque la bonne continuation de son activité est surtout dépendante de l’engagement de ses bénévoles. Il n’ a pas de nécessité à « séduire » les nouveaux clients, mais informer les personnes de l’existence du réseau, et de la possibilité de les raccorder à celui-ci.

La marque SCANI n’existe pas, et ne doit pas exister, pour quelques raisons simples. La première serait un changement de perception notable envers la coopérative des acteurs extérieurs qui ne verraient alors qu’une entreprise commerciale de plus, cherchant à prendre un marché, celui de l’aménagement numérique, de l’accès à Internet.

Ce qui n’est absolument pas l’objectif de la coopérative, au contraire. SCANI est un projet collectif, basé sur le bénévolat, le lien social, la coopération, projet qui tente uniquement d’offrir « au mieux », sans chercher à en tirer des bénéfices commerciaux, un accès au réseau mondial pour tous ceux qui n’ont pas la possibilité de le faire dans des conditions correctes. C’est dans ce cadre, avec cet objet, cette philosophie développés par SCANI, que le marketing et toutes les notions commerciales d’image de marque et autres procédés de communication n’ont absolument aucune valeur, si ce n’est celle de détourner la coopérative de son essence originelle.

Informer n’est pas communiquer. Créer de la valeur sans être « marchand », sans pratiquer le commerce, est possible, mais requiert de ne pas reproduire les schémas des entreprises commerciales. Sans quoi, la bonne compréhension de la démarche coopérative d’intérêt collectif risque de disparaître. Au profit d’une vision hybride et dichotomique de SCANI : une coopérative non-marchande qui utilise pourtant les mêmes dispositifs que les entreprises marchandes ?

C’est pour l’ensemble de ces raisons que SCANI aborde la communication sous un autre angle : faire se rencontrer les personnes, actives ou inactives, pour comprendre le fonctionnement de ce drôle d’oiseau et comprendre comment le faire grandir ensemble.

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