Depuis 2013, en plus d’amener des connexions chez ses membres, SCANI installe des points d’accès wifi publics là ou les entreprises et collectivités du territoire veulent en avoir.
Le principe financier et technique est simple : il faut trouver 250 € pour payer le matériel et l’installation, ensuite, les gens cliquent simplement sur « SCANiFi » dans la liste des réseaux wifi et ils sont connectés. Si le réseau SCANI est déjà sur place (par exemple pour connecter une mairie ou un particulier) il n’y a pas de coût mensuel, sinon, le demandeur paye un abonnement à 30 € / mois comme toutes les autres connexions.
Côté légal, le réseau est totalement différent de celui du membre qui supporte la connexion physique et SCANI assure ses obligations légales qui sont de tenir pendant un an les informations techniques dont il a connaissance à la disposition de la justice. Pour plus d’infos, vous pouvez visiter le site de SCANiFi.
Le 50e émetteur SCANiFi a été installé début 2019 à Joigny au parc du Chapeau.
Quand l’Europe s’y met
En 2017, l’Europe a décidé de financer l’implantation d’infrastructures wifi publiques sur l’ensemble du territoire de l’Union. L’opération est dotée d’une enveloppe globale de 42 millions d’euro.
Chez SCANI, nous nous sommes dits « tiens, c’est pas mal, on pourrait déployer plus de points wifi publics »
Si on ne peut que saluer l’initiative, quand on regarde dans le détail, c’est franchement moins reluisant.
Trop de travail ou pas assez d’argent
On compte un peu moins de 100.000 communes (ou en tout cas unités administratives territoriales qui ressemblent à ce qu’en France on nomme « Commune ») sur l’ensemble du territoire. Si on divise le budget par le nombre, ça donne quelque chose comme 400 €. Avec ce budget là, on déplace un antenniste pour 2 heures, on achète une borne wifi et il ne reste rien pour payer le câble.
Bref, il fallait choisir qui allait avoir des sous et qui n’allait pas en avoir. Il a été décidé que la subvention serait octroyée par tranche de 15000 € avec l’obligation, pour le bénéficiaire, d’installer au moins 10 points wifi. SCANI a pour habitude de facturer 250 € le matériel et l’installation d’un point, on peut donc valablement tabler sur 60 points d’accès installés.
On aurait pu s’attendre à ce que l’Europe demande aux pays de faire une liste prioritaire (par exemple comprenant les grands centres touristiques ou les endroits particulièrement délaissés du numérique), ou attribue uniformément à chaque pays la subvention, charge à eux de répartir ensuite selon leurs propres critères.
Mais non, la bonne vieille technique du premier arrivé – premier servi a été utilisée.
Bilan des courses, ceux qui ont eu du bol ou qui ont été accompagné par une entreprise spécialisée qui a martelé les candidatures à très haute vitesse ont eu droit à un sésame. Les autres, rentrez chez vous, y’a plus rien à voir.
Dans l’Yonne, seuls Pont sur Yonne et Saint Sauveur ont eu le droit de manger dans le plat. Les autres ont connu le goût amer que toute personne a déjà connu en tentant d’avoir une place pour l’unique concert d’une star internationale.
Si on faisait simple pour les sous
Le principe est ensuite le suivant :
- La collectivité fait appel à une entreprise inscrite au programme WIFI4EU pour installer les points d’accès wifi
- L’entreprise facture le matériel et l’installation
- La collectivité donne le coupon de 15000 € en guise de règlement
- L’entreprise envoi le coupon à l’Europe
- L’Europe vérifie que le travail est bien fait et respecte les cahiers des charges technique et administratif
- L’Europe paie l’entreprise (ou pas)
- La collectivité finance les abonnements nécessaires pour faire fonctionner la solution pendant au moins 3 ans (sinon, l’entreprise devra rembourser)
On ne sait bien évidemment pas combien de temps l’Europe mettra à vérifier la conformité, ni si diverses embûches administratives ne viendront pas retarder le règlement.
Bref, pour une petite structure, c’est déjà mal barré, et impossible de se faire payer une partie en avance (par exemple pour acheter le matériel).
L’internet libre et ouvert, c’est dangereux
Mais le pire se cache dans les détails. Et il y en a beaucoup. Ils font tous partie du cahier des charges techniques qui est bien caché tout au fond du site web du projet WIFI4EU et qui n’a jamais été envoyé aux entreprises qui se sont inscrites pour pouvoir effectuer des installations :
Il ne faut pas que la solution mise en place vienne en concurrence d’un autre wifi public déjà en service. Si c’est le cas, l’Europe ne financera pas (mais comme on ne le saura qu’après, le matériel sera quand même payé et installé)
Il faut à la fois que la solution donne une connexion stable à 30Mbps minimum (ce qui correspond à peu près au grand maximum que savent faire bon nombre d’appareils équipés de wifi) mais qu’elle ne permette pas de se passer d’un FAI (si par exemple votre domicile est proche d’un point wifi public, il faut que ce soit suffisamment chiant de l’utiliser pour pas que vous ayez l’idée de vous en servir tout le temps en lieu et place d’un fournisseur d’accès classique)
Il faut intercaler une page de publicité pour la subvention européenne lors de la première connexion des gens (un portail captif, donc, empêchant bon nombre d’appareils de se connecter et un nombre incomparables d’autres de se reconnecter automatiquement)
Il faut que l’Europe puisse juger de la pertinence de son investissement et puisse donc compter les utilisateurs. Pour ça, plutôt que de demander la transparence aux bénéficiaires qui pourraient par exemple envoyer une fois par ans les statistiques de fréquentation à l’Europe, il est obligatoire d’installer, sur le portail captif, un mouchard qui va obliger l’appareil de l’utilisateur à envoyer une requête sur un serveur géré par l’Europe, qui va donc pouvoir récupérer au passage pas mal d’informations que beaucoup considèrent comme des données personnelles (type d’appareil, de navigateur, identifiants quasi uniques, heures de connexions et de déconnexion, heure de passage à proximité des bornes, …)
Et pour finir, il ne faut pas que la solution technique mise en route serve à émettre un autre wifi public (on aurait pu « tricher » en installant un seul émetteur, délivrant un réseau conforme aux exigences européennes et un second plus libre d’accès et respectueux de la vie privée)
Conclusion
Le simple fait d’imposer un portail captif équipé d’un mouchard est en contradiction totale avec notre charte éthique. Nous n’allons donc pas donner suite, en tout cas pas avec le programme en question, aux contacts pris avec la mairie de Saint Sauveur.
Une entreprise privée moins regardante sera sans doute contente de rafler les 15000 € en question. Grand bien lui fasse.
Commentaire (2)
Jean-Philippe| 19 mai 2019
Intéressante analyse ! Merci pour ces éclaircissements pratiques, on trouvait jusque là peu d’infos sur cet appel à projet européen et … Ses contraintes
Daniele CHOLLET| 28 novembre 2019
Merci pour ce message !
Cet article est très intéressant pour comprendre la mise en place d’internet en milieu rural !